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Vue des anges
21 septembre 2015

Au bout du couloir, Le 1er janvier 2009, je me

Au bout du couloir,

Le 1er janvier 2009, je me rendais seule, la boule au ventre, la liquette froissée de trac, devant Moi. Tandis que mes pas résonnaient sur mes souvenirs, j’appréhendais cette rencontre craignant des remontrances quant aux résultats moyens que le bilan de ma vie supposait, mais et surtout attendant anxieusement l’attribution de ma destinée.

Nous sommes ce que nous avons fait de nous, et nous gagnons ce que nous avons combattu.

Alors depuis ces 38 ans passés, qu’ai-je fais et qu’ai-je obtenu du petit bout de vie que l’on m’a donné ?

Si l’on nait avec quelques bout d’un puzzle qu’il faut compléter et reconstituer, aujourd’hui à quoi le puzzle de ma vie ressemble-t-il ?

Et si maintenant je veux voir ce tableau morcelé c’est que je sais d’ors et déjà qu’il me manque des pièces pour être totalement assemblée.

 Je trouvais la porte ouverte, et à peine m’étais-je introduite dans ce bureau que ma conscience me désignait un fauteuil et me déclamait de sa voix grave et impatiente :

            «  Aahhh, vous voici enfin ! Je me consterne une fois de plus à noter votre insouciance quand au respect de la ponctualité !! Vous avez plus de 8 ans de retard et en ce jour de nomination des destins, j’ai bien peur que cela ne vous porte préjudice. Vos confrères sont déjà avec nos commerciaux et je crains que votre choix ne soit des plus restreint !

Vous me désespérez !! Dois-je vous rappeler  que j’ai du motiver votre dossier auprès de notre recteur afin que vous puissiez accéder à un prestigieux destin ?

Vous le savez, les chemins de vie sont attribués en fonction des résultats, des motivations et convictions ! Si de nombreux élèves demandent le bonheur, tous n’y ont pas accès mais sont orientés vers d’autres sentiments qui offrent d’excellentes opportunités, même si elles sont moins plébiscitées. Je vous avouerais que votre parcours scolaire ne vous prédestinait pas vraiment au bonheur. 

…Mais bon…

Je ne vais pas vous faire languir plus avant : vous avez été nominé pour une vie accomplie et ce parce qu’il semblerait que, malgré les apparences, vous possédiez un potentiel…  Ne nous décevez pas ! »

 

Je comprenais que notre entretient prenait fin : ma conscience referma dans un claquement sec et dans un nuage de poussière le dossier de mon passé, son regard pénétrant me signifiant ma remise en liberté.

 

Je ne tentais même pas une plaidoirie, n’osais le remercier pour cette improbable nomination et me gardais surtout de ponctuer mon départ d’un trait d’humour : je me levais en silence, le regard bas, et m’effaçais derrière la porte de son bureau qui s’était entrouverte à mon approche. La lourde porte en chêne se referma sur cette présence qui n’avait laissé qu’une forme ectoplasmique lovée dans son imposant fauteuil de cuir : elle avait déjà quitté son bureau et ne laissait qu’une image astrale de sa présence.

 Provocatrice dans l’âme, je lançais un petit salut de la main et claquait la porte.

« J’ai réussi, je vais être heureuse !!! », criais-je aux murs sombres du couloir alors que ma joie se déversait sans retenue balayant toute la pression que j’avais accumulée.

 

Je vous l’avoue, je ne suis pas de nature à m’engluer dans toute culpabilité du peu mieux faire et la validation de mes rêves me suffisait à occulter la suite des évènements. Je ne sais me remettre en question.

Mon insouciance a toujours porté mon destin, et c’est ainsi que je flottais littéralement, un sourire béat planté entre mes joues rosies d’orgueil, jusqu’à la salle ‘Bonheur et amour’.

 

Heureuse à en perdre ma raison, je ne fus même pas inquiétée à ne trouver plus personne devant cette majestueuse porte : mon retard était pourtant devenu une éternité au regard de la précipitation qui avaient plongée mes collègues à se placer au devant de l’hystérique file d’attente qui s’était formée ici même, il y a plusieurs heures de ça.

 

Dans le sombre couloir de cette école de la vie, à l’étage des salles des destins ne restaient plus que les élèves déçus et déchus de leur rêve, peu pressés d’obtenir leur nomination, et Moi, rayonnante dans son ego décuplé.

Moi, étudiante de niveau 5 à la prestigieuse Ecole de la vie sur terre et en attente de son Demain qu’un commercial devait m’attribuer sur la planète Terre.

 

 

 

 

Le commercial,

Postée devant cette porte aux lettres gravées d’or et d’espoir, je me décidais enfin à poursuivre mon aventure en frappant trois petits coups et tendant l’oreille dans l’attente d’un ‘Entrez !’. Comme rien ne semblait venir, je réitérais de façon plus marquée mes ‘toc-toc’ en trois ‘boum- boum’ ...

Bon. Soit j’avais odieusement séché le cours sur ‘Comment s’annoncer alors que l’on est devant une porte close’, soit une faille avait été ouverte dans Ma journée qui s’annonçait pourtant si radieuse.

Grand moment de solitude quand mes yeux interrogatifs ne trouvaient plus un seul visage à qui proposer mon dilemme : les autres planètes avaient adopté leur stagiaire et le couloir se trouvait maintenant vide.

 

Pas de panique ! Me criais-je d’une voix affolée en forçant rageusement la poignée.

Je me trouvais ainsi projetée dans une grande salle lumineuse où seul un bureau austère, avec ses deux chaises se faisant face, accueillait ma face incrédule. Plus personne ! Seulement une vague forme brumeuse assise à  la place de ce qui devait être le commercial. Je me rassurais en supposant que je pourrais réactiver sa présence avant qu’il ne quitte définitivement les lieux. Endolorie d’angoisse mais nourrie d’espoir, je me déplaçais avec peine jusqu’à cette présence résiduelle à qui je m’adressais avec toute la conviction qui me restait : « Bonjour ! Excusez mon audace, mais je souhaiterais m’entretenir avec vous. Pourriez-vous revenir s’il vous plait ? »

La forme se mis à trembler, à se troubler, hésitant certainement à se réintégrer. Je l’encourageais, l’implorais de mes pensées alors qu’elle s’effaçait presque.

Alors que je pensais l’avoir perdue, une bourrasque ébouriffa mes cheveux d’ange et dans un éclat de lumière un homme se matérialisa sur le trône bureaucratique. Un large sourire envahi mon visage retroussant mes joues à l’extrême et fendant mon regard d’une gratitude pétillante.

Mais avant même que mon soulagement ne s’exprime oralement, le commercial lança son courroux en me pointant de son index accusateur : « Mais de quel droit osez-vous me rappeler en ce lieu ?! Ne savez-vous pas que toute forme résiduelle ne doit être ravivée qu’en cas d’extrême urgence ?  J’ai du quitter une importante réunion, alors j’ose espérer que votre appel est fondé ! ».

Etriqué dans un costume trois pièces vallonné de courbes généreuses, cet homme aux traits joviaux, le front brillant de sueur, offrait un portrait qui ne cadrait pas avec la dureté de ses propos.

Au secours !! A peur du méchant monsieur !

Tout doux, gentil le monsieur ! Assis, pas bouger, donne la papatte…

Grand dieu, heureusement que je ne perds pas facilement mes moyens !

 

Je m’appliquais donc à me dessiner un air convenu, du genre : « Oui, je conçois la gravité de mon acte mais il est grandement justifié : Monsieur… j’avais rendez-vous avec vous pour l’attribution de mon stage sur Terre… ! », lui confiais-je d’une petite voix vibrante de sanglots, l’œil humide et suppliant, mes doigts tricotant nerveusement le bas de ma liquette. Le commercial sembla être touché par ma petite face décomposée ; s’il ne m’accorda pas son plus beau sourire, son visage se détendit et ses yeux abandonnèrent leurs armes pour la réflexion.

Le temps se suspendit ...

 

Alors que je suffoquais d’angoisse, que tout mon corps se tétanisait de peur telle une petite souris face aux moustaches du chat Félix, je sursautais quand je sentis cet homme s’insinuer dans l’antre de mon esprit. Impuissante, je ne pouvais que le laisser violer les données de ma vie et vérifier la recevabilité de mon dossier.

Oh, je déteste quand ils font ça !!! C’est une sensation des plus désagréables.

 

Tin fais gaffe, j’ai rangé ma tête y’a pas longtemps alors t’es prié de pas foutre le bordel !! Qu’est-ce que tu cherches ? Demande et je te le dirai, plutôt que d’entrer en moi comme un voleur ! Tin pis je rêve, tu t’es même ne pas essuyer les pieds !!!

 

            Je commençais sincèrement à perdre patience et ne supportais plus cette intrusion qui embrouillait et bousculait mes pensées. Imaginez une démangeaison lancinante sous le plâtre d’un membre fracturé, eh bien c’est exactement ce que je ressentais dans ma tête. Affreux !!

 

Ni tenant plus, et étant incapable de le faire sortir, je m’apprêtais à bloquer sa progression ...

 

Merci à vous,

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